K comme Kerke

Publié le par Colette Lefevre

Enfin un peu de bonheur, le 10 octobre 1765, Jacques, le troisième fils de Charles, âgé de 20 ans, s'unit avec Marie Bertrand mais leur bonheur est de courte durée, Marie décède le 3 mars 1767, cependant, le 22 octobre de la même année, Jacques épouse Marie Anne More.
Le 30 juin 1768, Marie Catherine, la quatrième fille de Charles, âgée de 24 ans, épouse Jean Dauphin, voilà deux bonnes occasions d'aller à la kerke, en patois normand, une kerke est une église (composant d'origine viking). Voici donc quatre brumants (nouveaux mariés).

http://www.geneanet.org/gallery/?action=detail&rubrique=cartes&id=6295324&desc=bellou_en_houlme_france

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Même s'ils ont fait la fête lors de ces deux mariages, rien de comparable avec le mariage de l'archiduchesse Marie-Antoinette et du dauphin, futur Louis XVI, le 16 mai 1770, à la chapelle du château de Versailles, où se sont pressés 5 000 invités. Les noces ont duré 15 jours, les festivités se sont terminées le 30 mai avec un feu d'artifice. Combien cela a-t-il coûté au peuple ? Comment peut-on ainsi faire des fêtes dispendieuses ? Pendant que ces ergentus (riches) s'en mettent ampanchée (plein la panse), le peuple lui est allouvi (affamé) ! Le pays est à tchu d'broque (ruiné) ! Charles a envie de tous les acabouillir (mettre en bouillie), il n' y a rien de pire pour l'écôffer (le mettre en colère). 
Quand on lui demande cha va' ti ? (comment ça va ?)  il aimerait pouvoir répondre Red bi et té ? (Très bien et toi ?) ou Pécab bien (Impeccable) ou encore c'est red bi com cha na (c'est très bien comme ça), mais voilà, rien ne va, il est toujours erganne (de mauvaise humeur). 
Je ne peux pas vous promettre que ma façon d'interpréter le patois normand soit correcte, aussi si vous voulez en connaître plus, suivez ce lien :  http://www.normandiem.com/ puis cliquez sur "Patois Normand"
Par contre voici un petit conte en patois, qui me permet de savoir comment parlaient mes ancêtres : LA SOURIS. Peut-être Charles ou Marie Madeleine le racontaient-ils à leurs enfants !

Clémentine, la femme dé Natole, avait bésoin de fleu(farine) pour faire de la galette, et olle allit en queri dans un petit baril, sous la montée. Et vlà-ti pas qu'au moment d'en prendre olle y avisit eune grosse souris qui s'y trimoussait et qui était en train d'y faire comme qui dirait poudrette. Y a bé des fémes là au travers qui éraient poussé d's êbraits et qui en éraient eu les sangs tournés. Clémentine n'a pas freid az yeux: o ne perdit pas la tête. Olle appelit le domestique qui affourait les viaux : « Tiennot, qu'o dit, viens-t'en vite. J'ai bésoin de tei ». Tiennot arrivit grand train do sa seille.
-    Y a eune souris dans le baril à fleu, qu'o dit, - lo, sous la montée, à ce qu'o li dit, - eune grosse souris, p'têt' un rat. Faut s'en dêfaire. Tu vais prendre le fusil qui est pendu à dreite de la croisée - il est chergé - tu vais chouler (exciter) le chien et tirer sus la souris quand o va s'èchapper. As-tu bé comprins ?
Et comme Tiennot était co putôt biloin, o li fit répéter ce qu'il avait comprins.
-    Parjou! que dit Tiennot, c'est pas malaisé à comprendre... Je vals prendre le fusil, chouler le chien et tirer sus la souris qui va s'èchapper deu baril à fleu.
Tiennot print le fusil, il allit sus le sieu de la porte, i sufflit le chien qui dormait à côté deu pits, et i li montrit le baril: « Cherche, Patou, qu'i dit, cherche ».
Durant que le chien cherchait, Clémentine se mint de côté sus les premières marches de la montée.
Patou ne fut pas longtemps devant que de senti le gibier. Il apperchit deu baril, il y mint le nez, et la souris en sautit tout de suite. Frsst ! Tiennot tirit dessus deux coups de fusil, mais i visit en biloin qu'il'tait et i n'attrapit pas la souris. Il attrapit le chien, par exemple, i le tuit; et Clémentine, êpouvantée, chut êvénouie au pied de la montée.
-    Hélos! que se dit Tiennot, j'ai tué la bourgeoise étou. Me v'là bé!
I jetit le fusil dans le mitan de la maison, et le v'là parti, les quat' pattes au cou, sans savei solement où qu'il allait. Comme i d'valait la cavée, i rencontrit le cantonnier qui vit bé qui s'était passé quioque chose de pas ordinaire. Tiennot était rouge comme eune crêpe de co (coq), i causait tout seu, et l's yeux li sortaient de la tête.
-    Quei que t'as, man pauv' gars, que li dit le cantonnier?
-    Je viens de faire des malheurs, qu'i dit.
-    Des malheurs ? Queux malheurs ?
-    Je viens de tuer le chien et la bourgeoise.
-    C'est donc tei qu'a tiré les deux coups de fusil qu'on vient d'entendre. Ah! ça qu'a p'té sè. Et pourquei que tu les as tués. Clémentine était eune bonne gent et d'un bon tour et le chien à Natole était un chien de chasse comme an n'en vei pas.
-    Eh! parjou, je le sais bé. Je ne l'ai pas fait d'en exprès n'tou. La bourgeoise m'avait dit de tirer sus la souris...
-    Queue souris ?
-    Eune souris qu'était dans le baril à fleu. J'ai choulé le chien, la souris s'est sauvée, j'ai tiré tout à la traverse, j'avais pas le temps de bé viser... Et j'ai tué le chien... et la bourgeoise.
-    Mais es-tu bé sûr, au moins, es-tu sûr et certain que tu les as tués ?
-    Oui, le chien a saigné tout le sang qu'il avait dans le corps, il'tait raide; et la bourgeoise a roulé jusqu'au pied de la montée, blanche comme nige, olle'tait freide. Quei que va dire le bourgeois ? Pus de fème, pus de chien! Me v'là bé !
-    Oui, si en cas, que dit le cantonnier, c'est des malheurs que t'as faits là, man pauv' Tiennot. Et tu n'as pus qu'eune chose à faire asteure, c'est de couri tout dreit à la gendarmerie de Tinchébray - à main gauche. devant que d'arriver à la Porte de Condé - et de leux dire ce qui s'est arrivé et comment que ça s'est arrivé. Faut pas oubellier n'tou de leux dire que tu ne l'as pas fait d'en exprès, - sans quei o vont creire que t'es un assazin. Explique-tei, explique-tei bé.
-    Qu'o creient ce qu'o voudront, je ne vais pas y aller. Je n'ai pus qu'eune chose à faire, c'est de me dêtrire.
-    Té dêtrire ?
-    Oui, 'je vais me nyer dans un pits ou dans un gouffre de la rivière.
-    Man pauv' Tiennot, ça ne va rin ramarrer. Au contraire. y en a deujà deux de détrits; ça va faire trouais.
Tiennot ne l'êcoutit pas, i partit en courant deu côté de la rivière. Le cantonnier mint sa pelle et son balai à la boise (barrière) deu champ ès Brard, et s'n allit avau la route jusqué dans le Clos Bisson où que Natole tondait les haïes.
-    Natole, qu'i li dit, y a des malheurs, de grands malheurs de faits cheux tei.
-    Des malheurs, qu'i dit, queux malheurs ?
-    C'est la faute à Tiennot, et, au fond, non c'est pas sa faute. 1 voulait tuer eune souris, qu'i paraît; il a prins tan fusil, il a manqué la souris, il a tué tan biau chien de chasse... et ta fème a attrapé quioques plombs étou, à ce qu'i dit.
I ne li dit pas, en premier, ce qui n'n'était. Y allit en douceur, comme fallait. Natole laissit là san faucillon, et s'n'allit quant et le cantonnier; et durant qu'o montaient la cavée, le cantonnier le mint au courant - ou à pu prez - et li dit que Clémentine avait bé des plombs dans le corps, d'après ce que li avait dit Tiennot.
-    Est-eu tuée étou, que demandit Natole ?
-    Dam! man pauvre Natole, à ce qu'i dit, je n'en sais rin; mais ça se pourrait co bé.
Quand oz arrivirent, o furent bé surprins, comme ous pensez, de vei Clémentine en train de dêtremper sa galette. Olle avait bonne mine, - à pu près comme d'ordinaire. O dit à Natole :
- Y a eu des malheurs. C'est la faute à Tiennot. Il a tué Patou et j'ai eu bé peux. La souris s'est sauvée deu baril à fleu, et Tiennot s'est sauvé étou. Je ne sais pas où qu'il est.
-    Et tei, que dit Natole, tu n'as pas eu de ma ?
-    Rin en tout, qu'o dit; mais j'ai eu bé peux.
Tiennot s'n'allit jusqu'à la rivière et i voulit s'y nyer, comme il avait dit, mais i trouvit que l'iau était d'excès freide. I s'en retirit, co pas ben aisément, à ce qui parait, et i courut se séquer cheux le boulanger. Piez le v'là parti par la route de Condé. An ne l'a jamais revu. La souris n'tou.

   
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http://mon-aigle.netau.net/ma_normandie/contes-maillot/maillot-1.html#1-02-souris

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